Entretien avec Raki KANE, secretaire executif de la Commission d’evaluation, d’appui et de coordination (ceac)

Bonjour Raki, tout d’abord parlez-nous de vous

J’ai un parcours atypique, je suis engagé depuis que j’ai l’âge de 10 ans. J’ai commencé mes premières actions en mettant en place un ruban vert dans le collège de ma ville qui m’a coûté un certain renom alors que j’étais déjà toute jeune. Donc j’ai continué mon parcours à la fois scolaire et de femmes engagées en France, dans la petite commune qui s’appelle les Mureaux. J’ai vite été repérée par les élus locaux aux Mureaux et déjà quand j’étais étudiante à 19 ans, je partais déjà pour ma première campagne en tant que conseillère municipale donc j’étais vite élue et à côté de ça j’ai continué mes études. J’ai une Licence en santé médecine et biologie humaine, un Master en santé publique internationale et un D.U. en recherche clinique. Ça c’est pour mon parcours scolaire. Après, au niveau de mes engagements à la fois politique et plutôt social j’ai toujours milité pour l’égalité de tous. Donc quand j’étais conseillère municipale pour mon premier mandat, j’étais encore étudiante c’était compliqué d’allier les deux et j’essayais de comprendre à la fois ce que c’était qu’une structure d’Etat et comment penser la ville ? Et qu’est-ce que je pouvais apporter au sein de ma ville en tant qu’élue ? Sur mon deuxième mandat j’étais conseillère municipale, mais j’avais une délégation de signature du Maire et là j’étais en charge de l’aérodrome de ma ville. J’ai mené des actions , comme la mise en place des fêtes de l’air, l’organisation de meetings aériens, ce qui n’avait rien à voir avec mon parcours scolaire et du coup j’ai appris à organiser des événements et à pouvoir travailler et convaincre pour essayer d’avoir l’excellence quand j’organise quelque chose. J’ai réussi quand même à avoir trois (3) années de suite la Patrouille de France, ce qui n’est pas négligeable car la Patrouille de France c’est la plus haute patrouille en voltige du monde donc on ne pouvait pas avoir mieux dans une petite campagne comme les Mureaux. C’était déjà un exploit d’avoir eu à faire tout ça mais j’ai été en fait vite rattrapé par la réalité quand j’ai voulu défendre bec et ongle la TFPB (Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties) et ce n’est pas passé et je me suis dit bon, j’ai beau m’engager en France mais je ne m’y retrouve pas et je pense que mes parents ont quitté le Sénégal pour espérer de nous une vie meilleure et c’est à nous maintenant de rentrer au Sénégal pour apporter ce qu’on a appris et faire en sorte que les choses avancent. Du coup je suis rentrée et j’ai travaillé tout d’abord à l’ambassade du Sénégal au Canada où j’ai fait deux (2) ans. Mes études sont dans la santé mais mon hobby c’est tout ce qui est IA,  high-tech je suis très branchée nouvelle technologie. Donc j’ai toujours voulu mettre en avant l’excellent parcours des sénégalais dans la matière donc j’avais déjà commencé au Canada et je suis rentrée au Sénégal pour pouvoir poursuivre en mettant en place la semaine du numérique  : “Sénégal Connect” et qui a été une franche réussite. 

Parlez-nous de “Sénégal Connect” et des retombées ? 

“Senegal Connect” en fait, tous les 2 ans le ministère organisait un forum du numérique sur 2 jours où il y avait une participation de l’écosystème sénégalais et il y avait le Grand Prix du chef de l’État. Cette année on a voulu faire complètement autrement, on s’est dit déjà 2 jours c’est pas assez pour que l’écosystème puisse mettre en avant tout ce qu’il fait et il faudrait tabler sur une semaine et pouvoir avoir plusieurs volets : on avait le volet universitaire : donc on a contacté toutes les universités du Sénégal pour qu’elles puissent pendant la semaine du numérique organiser des événements et participer à la semaine. On avait le volet professionnel : où on a mis en place un village de professionnels avec tous les professionnels qui étaient là, pour qu’ils puissent discuter se rencontrer faire affaire et renforcer le maillage entre eux. On avait le volet scientifique, où là, on a mis en place autour de thèmes, des débats, des conférences, des panels où on essayait de prendre le numérique et le travailler sous toutes ces phases.Ces thèmes étaient: quel est l’avenir d’un citoyen avec le numérique ?, L’encadrement et la régulation des réseaux sociaux ; la jeunesse, le numérique et l’emploi. On avait vraiment pris le numérique, on a essayé de travailler sur toutes ces formes, ça c’était pour le volet scientifique. Et on avait un 4e volet qui était de travailler différemment et travailler avec les nouveaux communicants donc tout ce qui est influenceurs, artistes, pour pouvoir valoriser notre semaine et apporter un côté ludique à cet événement de grande envergure. Alors, les retombées, bon c’était quand même difficile, parce qu’organiser un événement à l’échelle internationale, avec très peu de budget, pour ne pas dire pas de budget c’était compliqué. Donc il m’a fallu aller chercher des sponsors pour pouvoir sponsoriser l’événement et pour pouvoir le mettre sur pied, donc je remercie vraiment le ministre qui s’est battu pour qu’on puisse tenir cette semaine et ça c’était bien. Le seul bémol vraiment que j’ai c’est que comme on partait sur du sponsoring c’était difficile d’inclure toutes les start-ups alors que pour moi c’était les premières concernées, c’était à elles de venir montrer leurs innovations, de montrer ce qu’elles font dans tous les domaines de compétences, je rappelle le thème c’était : “le numérique facteur de développement économique et social”. Parce que pour nous le numérique ce n’est pas un secteur d’activité c’est un facteur de de développement, à partir de là on est obligé de réfléchir le numérique autrement. Quand on réfléchit le numérique autrement, ça veut dire qu’on n’enferme pas le numérique dans une case. C’est-à-dire que dans tous les secteurs on a besoin du numérique pour pouvoir progresser et si on veut atteindre nos objectifs d’émergence à l’horizon 2035 on est obligé de composer avec le numérique et pour composer avec le numérique on est obligé de faire avec nos entreprises qui sont là, qui ont les idées et qui ont le talent. Parce qu’il faut avoir du talent pour pouvoir créer et c’était pour moi un tremplin pour pouvoir les appuyer et faire en sorte qu’elles puissent émerger et travailler avec elles au futur.  

Et d’un point de vue objectif, vous croyez que vous avez atteint vos objectifs ou sinon qu’est-ce qui vous bloque ? 

Alors, mes objectifs sont atteints parce qu’on a réussi quand même à faire en sorte qu’une grande partie de l’écosystème participe. Mes objectifs sont atteints dans le sens où les réflexions ont été poussées, nous avons rédigé le rapport final et vraiment c’est ce qui en ressort. Parce qu’on avait la participation et de la société civile et des créateurs et des professeurs et des universitaires, ça nous a permis de vraiment travailler les sujets dans leur intégralité donc pour moi l’objectif principal c’est de faire avancer les choses et à partir du moment où une personne est convaincue pour moi l’objectif est atteint. C’est comme quand j’organisais la fête de l’air à partir du moment où un enfant en regardant le ciel se dit : ”Ah demain je veux être pilote de chasse”, mon objectif est atteint. 

Et comment voyez-vous l’écosystème du numérique au Sénégal ? 

Alors, c’est un écosystème qui est très dynamique. Alors que comme je dis souvent il y a un vrai décalage entre l’écosystème et les pouvoirs publics. C’est-à-dire que notre écosystème est largement en avance par rapport à ce que les pouvoirs publics ont pu faire. Nous là déjà par rapport à la Startup Act on a pris 3 bonnes années de retard quand des pays voisins comme la Tunisie, comme Le Togo qui était bien derrière nous se retrouve en avant parce qu’ils ont su mettre en place la structure qui pourrait accompagner ces genres d’excellence. Pour moi l’écosystème numérique au Sénégal est complet. Mais moi quand je vois ce que les startuppers font, quand je vois ce que les étudiants à l’EPT par exemple font, je suis impressionnée et je me dis : ce qui leur manque c’est l’appui, le soutien, l’accompagnement qu’il faut pour pouvoir faire de leur prototype un produit. Maintenant c‘est à nous, pouvoirs publics, de les accompagner de les soutenir, de leur donner la chance et l’opportunité de pouvoir se développer. Parce qu’en se développant, forcément, le pays va se développer, c’est une chaîne. 

Nous avons parlé de Sénégal Connect, là on va parler de votre nouvelle fonction, de vos nouveaux rôles, est-ce que vous pouvez nous en parler un peu ? 

Voilà, déjà pour commencer, la loi a été promulguée en janvier 2020, elle est faite pour offrir un cadre incitatif aux start-ups. Ce cadre est accompagné de plusieurs volets et un décret d’application a été mis en place en décembre 2021 pour vraiment accompagner, financer, soutenir les start-ups du Sénégal. Donc moi dans le cadre de mes fonctions, je suis la Secrétaire exécutive donc je suis le bras exécutif de la Commission d’Evaluation, d’Appui et de Coordination des start-ups. Donc là, l’idée en tout cas moi de ce que je veux en faire, c’est vraiment travailler en connivence avec l’ensemble de l’écosystème sénégalais. Moi mon souhait aujourd’hui, c’est de m’appuyer sur les structures d’accompagnement et les structures d’incubation qui existent déjà pour pouvoir repérer les start-ups, les accompagner et leur donner les billes qui vont leur donner les armes pour pouvoir se développer. En tout cas la CEAC elle sert à ça. La CEAC, c’est pour accompagner, appuyer, soutenir les start-up mettre en avant nos start-up c’est-à-dire les accompagner dans les grands forums, que ce soit nationaux ou internationaux, c’est aussi leur donner des opportunités, par exemple travailler avec l’OAPI sur des accords pour que nos start-ups puissent avoir des accompagnements au niveau des brevetages de ce qu’ils ont trouvé. C’est aussi créer au Sénégal des concours entre start-up, pour les challenger, parce que, c’est ça qui est bien dans le monde du numérique, c’est qu’on est des vrais challengers on aime le challenge et c’est ce qui nous fait vivre. Et c’est ce qui fait que, je pense que ce sera apprécié de l’écosystème, si ça se met vite en place, si on ne perd pas de temps dans des considérations et si on se soutient. Moi, je compte vraiment sur les structures d’accompagnement et les associations de start-up qui existent déjà. Parce que c’est elles qui connaissent le mieux le terrain, elles sont vraiment des appuis, en tout cas moi c’est ce que je veux, c’est vraiment travailler en partenariat avec elles, pour pouvoir soutenir au mieux des start-up sur le terrain. D’accord j’ai différentes missions, mais voilà en gros c’est ça. 

Et quels sont les moyens qui sont mis à votre disposition pour pouvoir atteindre ces objectifs ?  

On a différents moyens. Pour commencer, c’est mettre en application la loi. La loi est claire par rapport à ce qu’on veut, comment on définit la start-up et ce qu’on veut faire de nos start-ups au Sénégal. Donc là moi, mon but en tout cas mon premier objectif, c’est de communiquer autour de la loi et de la mise en application de celle-ci. C’est dire aux start-ups, qu’aujourd’hui, vous avez un cadre légal qui va vous permettre d’obtenir des dégrèvements fiscaux, qui va vous permettre d’obtenir des dégrèvements douaniers mais pas seulement. A partir du moment où vous êtes labellisés start-up Act, vous allez pouvoir bénéficier d’avantages, montrer qu’obtenir le label c’est un avantage pour la start-up. Il y a un accompagnement autour des financements, on travaille avec les bailleurs de fonds pour pouvoir vraiment créer un fonds dédié à chaque type de start-up. C’est donc faire de la CEAC une ouverture. En tout cas, c’est ce que que je compte faire : offrir un un espace et un cadre pour : Accompagner, Soutenir, Financer et Promouvoir. Si je dois le résumer en 4 mots. 

Et donc, vous comptez commencer par quoi ?  

Alors moi, vous savez on est en fin d’année et on est dans une année quand même qui est assez particulière vu les échéances qui arrivent, donc après avoir discuté avec pas mal d’entrepreneurs, pas mal d’associations et de structures d’accompagnement, je pense que les entrepreneurs nous attendent plus sur tout ce qui est dégrèvement fiscal et douanier. Donc, c’est la mise en place de la plateforme rapidement pour que les gens puissent obtenir le label “Sénégal Connect” et voir nous de notre côté comment faire en sorte que ce soit fluide en fait, pour les startups, c’est-à-dire qu’une fois qu’ils sont sur la plateforme, qu’ils déposent leur dossier pour obtenir le label et s’ils ont le label que toute la documentation liée à la détaxe, tout ce qui est lié aux douanes puisse être accessible sur la plateforme. Donc pour moi, c’est mon premier gros chantier. Donc là, je travaille avec des experts pour que la plateforme soit vraiment facile d’utilisation, qu’elle soit accessible, qu’elle puisse accueillir un grand nombre de personnes et que les la documentation demandée pour obtenir le label puisse être fait directement sur la plateforme ça c’est mon premier gros volet. Et mon 2e volet c’est la communication. Parce que si on ne communique pas, en tout cas si on ne communique pas bien, ça risque de ne pas passer et on risque de se retrouver “nous dans nous” alors que c’est pas le but. Le but c’est qu’à l’échelle nationale que toutes les start-ups puissent être au courant de ce qui est en train de se faire et qu’on puisse enrôler un maximum d’entrepreneurs, de start-ups dans le cadre de la remise du Label. Alors pour pouvoir communiquer donc, il y a la communication traditionnelle donc à travers des émissions : la radio, la télévision mais aussi nos nouveaux communicants : les influenceurs et travailler avec eux sur des projets bien ciblés. Moi je pense que par rapport à ça en tout cas par rapport au volet influenceur voir comment on pourrait travailler avec les GAFA pour la mise en place des contenus, la rémunération des contenus et cetera. Voir comment on pourrait accompagner nos influenceurs, parce que pour moi eux aussi ce sont des startuppeurs dans ce cadre-là et ce serait un échange de bons procédés parce qu’ils m’aideraient à communiquer autour de la CEAC. Il y a aussi organiser un concours, challenge des 10 meilleures startups au Sénégal et ces 10 start-ups obtiendraient directement le label remis par le ministre en charge de l’économie numérique. Donc il y a ça, mais aussi aller dans la continuité de ce qu’on a fait lors de la semaine du numérique parce qu’on a organisé une caravane nationale, et lors de celle-ci on a vraiment accentué sur le numérique responsable et on s’est rendu compte que beaucoup ignoraient que derrière leurs écrans c’est quand même des personnes qu’on vise et qu’on continue à travailler sur ce volet-là. Donc on a plusieurs axes. En premier lieu c’est le nerf de la guerre de la loi, c’est la plateforme. Axer sur la communication et mettre en avant, tout en travaillant avec les structures d’accompagnement, les meilleures start-ups du Sénégal. 

Là, vous avez une tribune qui est notre magazine qui sera distribué à plusieurs lecteurs : si vous avez un message à lancer quel serait-ce message ?  

Je dirais : “Vous avez le droit de rêver !”. Les Sénégalais ont le droit de rêver, ils ont le droit de penser à une idée et de vouloir la concrétiser et nous on sera là pour les accompagner pour concrétiser cette idée. Il n’y a pas de mauvaise idée, moi je suis convaincue en tout cas, je suis plus que convaincue, même je suis persuadée qu’on peut aller très loin et que la structure pourra être une vraie soupape pour les start-ups, pour aller de l’avant et régler les problèmes qu’ils rencontrent actuellement. Et surtout qu’ils continuent de rêver. 

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