Le Business des fêtes religieuses au Sénégal: Ramadan, Korité, Noël, Tabaski

Croissance Magazine vous propose une édition spéciale qui met en lumière l’impact économique des fêtes religieuses au Sénégal. Dans notre dossier spécial, nous explorons le business des fêtes religieuses au Sénégal. Nous analysons comment ces célébrations influencent l’économie locale, en examinant les différentes industries qui en bénéficient et nous abordons également l’impact économique de la diaspora pendant les fêtes religieuses. Les Sénégalais résidant à l’étranger jouent un rôle crucial dans le soutien financier et logistique de ces événements, renforçant ainsi les liens culturels et contribuant à la croissance économique du pays.

Le Business du Ramadan

Le mois sacré du Ramadan revêt une importance particulière pour les musulmans du monde entier, y compris au Sénégal. C’est non seulement un moment de piété et de réflexion spirituelle, mais également une période où le commerce et le business se développent de manière significative. 

La demande croissante de produits alimentaires durant le Ramadan 

L’un des secteurs les plus dynamiques pendant le Ramadan au Sénégal est celui de l’alimentation. Les Sénégalais sont connus pour leur appétit pour les plats traditionnels préparés spécialement pendant cette période, tels que le Thiebou dieune (Riz au poisson) et le Tiakry (dessert à base de mil et de lait caillé). Les marchés et les épiceries voient leur activité augmenter de manière significative, avec une demande accrue de produits alimentaires spécifiques. 

Selon les chiffres recueillis auprès de commerçants et de distributeurs, les ventes de produits alimentaires au cours du Ramadan peuvent augmenter de 30 à 40% par rapport aux autres mois de l’année. Les denrées telles que le riz, la viande, les légumes et les fruits enregistrent une hausse de la demande, ce qui se traduit par une augmentation du chiffre d’affaires des acteurs de l’industrie alimentaire. 

Les industries du textile

De nombreux Sénégalais considèrent la Korité comme une occasion idéale pour renouveler leur garde-robe, arborer des tenues traditionnelles élégantes et se préparer pour les festivités. Cette demande accrue de vêtements pendant cette période donne lieu à un vérita- ble boom du business de la couture au Sénégal. 

La Korité est l’occasion pour les Sénégalais de revêtir des tenues traditionnelles spécialement confectionnées pour l’occasion. Les hommes portent généralement des boubous en bazin ou des kaftans, tandis que les femmes optent pour des robes, des boubous en broderie et des pagnes richement ornés. Selon les estimations, les dépenses liées à l’achat de vêtements pendant la période de Korité s’élèvent à environ 20 milliards de francs CFA chaque année. Cette demande considérable stimule l’activité des couturiers et des ateliers de couture à travers tout le pays. 

Pendant la période de Korité, les ateliers de couture sont pris d’assaut par les clients qui souhaitent commander leurs tenues sur mesure. Selon une enquête réalisée auprès des professionnels de la couture, le nombre de commandes peut augmenter jusqu’à 50% par rapport aux autres périodes de l’année. Les couturiers et couturières s’affairent à répondre aux demandes, à prendre les mesures, à sélectionner les tissus et à réaliser des créations uniques. Les délais peuvent être serrés, mais les professionnels de la couture déploient tous leurs efforts pour satisfaire les attentes des clients. 

La période de Korité offre également une vitrine exceptionnelle aux designers sénégalais. Ils présentent leurs dernières collections lors de défilés de mode et d’événements spéciaux organisés à cette occasion en partenariat avec les différentes chaines de télévision.  

De plus, cette effervescence dans le secteur de la couture pendant la période de Korité contribue à la promotion de l’industrie textile locale et à la préservation des savoir-faire traditionnels. Les entreprises de confection ont l’occasion de mettre en valeur le travail des artisans locaux et de promouvoir les matières premières sénégalaises. Cette valorisation des produits locaux favorise également le développement économique des communautés impliquées dans la production de textiles et d’accessoires de mode. 

Les Paniers Ramadan 

Alors que les musulmans du Sénégal viennent d’entrer dans le mois de ramadan, des hommes et femmes d’affaires se sont emparés d’une tradition qui consiste à offrir des paniers de victuailles à leurs proches, pour créer un business saisonnier autour de leur confection. 

Aïssatou Diop tient une petite boutique au cœur du marché Sandaga à Dakar. Elle est spécialisée dans la vente de produits alimentaires et d’articles de cuisine. Pendant onze mois de l’année, elle propose une variété de produits à ses clients, mais durant le mois de ramadan, elle change d’activité pour se concentrer sur la confection de paniers de provisions. 

La tradition de l’offrande de paniers de victuailles pendant le ramadan est profondément ancrée dans la culture sénégalaise. Les Sénégalais cherchent à faire plaisir à leurs proches en leur offrant des paniers remplis de produits alimentaires essentiels. Aïssatou Diop joue un rôle important en offrant ses services de confection de paniers, car ses clients ont confiance en sa capacité à créer des paniers de qualité. 

Pour chaque commande, Aïssatou se procure les produits auprès de fournisseurs locaux et de supermarchés. Elle choisit soigneusement les articles pour s’assurer de leur qualité et de leur fraîcheur. Ensuite, elle arrange les provisions de manière attrayante dans les paniers, en ajoutant parfois des éléments décoratifs tels que des rubans, des fleurs ou des tissus colorés. Les paniers sont personnalisés en fonction des préférences et du budget des clients. 

Ces paniers de provisions sont vendus à des prix variant de 10 000 à 70 000 francs CFA, en fonction de leur taille et de leur contenu. Aïssatou souligne l’importance de la présentation et de l’esthétique des paniers, car cela contribue à l’attrait pour les clients. Elle met un point d’honneur à ce que ses paniers soient à la fois pratiques et esthétiquement plaisants. 

Le marché des paniers de provisions du ramadan au Sénégal est devenu de plus en plus concurrentiel ces dernières années. De nombreux entrepreneurs se sont lancés dans cette activité lucrative, offrant une grande variété de paniers avec des prix et des compositions différentes. Malgré cette concurrence, Aïssatou a réussi à fidéliser une clientèle grâce à la qualité de ses produits et à son sens du détail.

Télévision et Ramadan

Le mois de Ramadan constitue aussi une opportunité lucrative pour les chaînes de télévision. Pendant cette période, les grilles de programmation sont modifiées pour offrir des émissions spéciales adaptées au contexte religieux, générant ainsi des revenus considérables pour les chaînes de télévision. 

Les principales chaînes de télévision sénégalaises adaptent leur programmation pendant le mois de ramadan pour proposer des émissions spéciales. Celles-ci comprennent généralement deux à quatre sketchs humoristiques spécialement conçus pour le ramadan, ainsi qu’un plateau télévisé diffusé de 22h à 4h du matin. Parmi les émissions populaires figurent “Quartier Général” sur TFM, “Grand Plateau” sur Sen TV et “Encore +” sur la 2STV. Ces programmes attirent un large public et deviennent des rendez-vous incontournables pour de nombreux téléspectateurs pendant le mois de ramadan. 

Les émissions spéciales diffusées pendant le ramadan représentent une source de revenus importante pour les chaînes de télévision au Sénégal. Selon les estimations, ces revenus peuvent atteindre plus de 300 millions de francs CFA durant le Ramadan pour des chaînes telles que TFM (Source : Réussir). Les sociétés de production jouent un rôle clé dans ce processus en proposant des sketchs spécialement conçus pour les chaînes de télévision. Ces productions sont généralement vendues sous le format de Revenue Sharing, où les revenus sont partagés entre la chaîne et la société de production. Les épisodes sont vendus à des prix allant de 300 000 à 1 million de francs CFA. Cette collaboration entre les chaînes de télévision et les sociétés de production permet de créer du contenu attrayant tout en générant des revenus substantiels. 

Le business des fêtes religieuses a également un impact significatif sur l’industrie de la production audiovisuelle au Sénégal. Les sociétés de production voient leur activité augmenter pendant cette période, avec une demande croissante de sketchs et de programmes spéciaux. Cela crée des opportunités pour les acteurs, les scénaristes, les réalisateurs et les techniciens de l’industrie audiovisuelle de mettre en valeur leur talent et de contribuer à la création de contenu de qualité. 

Ces événements sont également une source de revenus pour les commerçants et les producteurs, en particulier pour ceux qui vendent des produits spécifiques tels que les poulets, les dattes ou les tenues traditionnelles.

Le Business de Noël

Bien que Noël soit traditionnellement associé à d’autres régions du monde, il est également une occasion commerciale importante au Sénégal.  

L’une des facettes les plus visibles du business de Noël au Sénégal est la décoration et les illuminations. Les rues, les magasins et les maisons se parent de guirlandes lumineuses, de sapins de Noël, de boules colorées et d’autres ornements festifs. Les entreprises spécialisées dans la décoration de Noël voient leur activité augmenter considérablement, avec une demande croissante pour leurs produits et services. Les centres commerciaux et les boutiques rivalisent pour offrir les plus belles décorations et attirer les consommateurs. La ville de Dakar investit ainsi chaque année des centaines de millions pour la décoration dans les grandes artères de la capitale. 

Le traditionnel échange de cadeaux est une pratique courante pendant la période de Noël au Sénégal. Les boutiques, les grands magasins et les marchés locaux voient leurs ventes augmenter de manière significative à mesure que les consommateurs cherchent des cadeaux pour leurs proches. Il faut cependant noter que les cadeaux concernent principalement les enfants. Ainsi des magasins comme Orca, Hoballah, et maintenant le Supermarché Exclusive et Auchan enregistrent d’importantes ventes durant cette période. Cela est notamment boosté par la remise de chèque cadeaux par les entreprises privés et quelques démembrements de l’Etat pour permettre aux parents de pouvoir acheter des cadeaux aux enfants. 

Noël est également une période où les Sénégalais aiment se retrouver en famille et entre amis pour partager un repas spécial. Les restaurants, les hôtels et les traiteurs bénéficient de cette demande accrue en proposant des menus festifs et des offres spéciales pour les célébrations de Noël. Les réservations pour les dîners de Noël dans les établissements de restauration haut de gamme sont souvent complètes plusieurs semaines à l’avance. Les entreprises de restauration à domicile offrent également leurs services pour préparer des repas de Noël personnalisés, facilitant ainsi les réunions familiales. Le secteur de la pâtisserie aussi réalise un gros chiffre d’affaires durant la période de Noël avec les ventes des traditionnelles bûches de Noël. 

Noël offre également une opportunité pour les artisans locaux de promouvoir leur travail et de vendre des produits uniques et authentiques. Les marchés de l’artisanat proposent une grande variété d’articles artisanaux tels que des sculptures en bois, des textiles traditionnels, des bijoux faits à la main et des objets de décoration. Les Sénégalais et les touristes apprécient l’occasion de soutenir les artisans locaux tout en achetant des cadeaux originaux et significatifs. 

Le Business de la Fête de Tabaski au Sénégal

La fête de la tabaski, ou Aïd el-Kébir, est la plus importante célébration religieuse pour les musulmans du Sénégal. Elle commémore le sacrifice d’Abraham, qui était prêt à immoler son fils Ismaël sur l’ordre de Dieu, avant que celui-ci ne lui envoie un mouton pour le remplacer. Ainsi, chaque année, les fidèles sénégalais achètent un mouton qu’ils égorgent après la prière du matin, puis partagent la viande avec leur famille, leurs voisins et les plus démunis. 

Mais la tabaski n’est pas seulement une fête spirituelle, c’est aussi une occasion de faire du business pour de nombreux acteurs économiques. En effet, la demande en moutons est si forte que le Sénégal doit importer des centaines de milliers de têtes de bétail des pays voisins, comme le Mali et la Mauritanie. Selon le ministère de l’Elevage, il faut environ 800 000 moutons pour satisfaire les besoins des Sénégalais, qui sont près de 95% à être musulmans. Le prix moyen d’un mouton est de 100 000 francs CFA, ce qui représente une dépense importante pour les ménages. Certains recourent même à des crédits ou à des tontines pour se procurer l’animal tant convoité. 

Les éleveurs ne sont pas les seuls à profiter de la tabaski. Les transporteurs, les vendeurs ambulants, les bouchers, les menuisiers, les tailleurs, les coiffeurs et les commerçants en général voient leur chiffre d’affaires augmenter pendant cette période. La tabaski est aussi l’occasion de renouveler sa garde-robe et d’offrir des nouveaux vêtements aux enfants, qui iront rendre visite aux membres de la famille. Les habits traditionnels brodés sont très prisés, ainsi que les chaussures neuves. Les salons de coiffure sont pris d’assaut par les femmes qui veulent se faire belles pour la fête. Les tatoueurs proposent des motifs décoratifs à base de henné sur les mains et les pieds. Les menuisiers fabriquent des meubles pour embellir les chambres à coucher et les salons. 

La tabaski génère donc une importante activité économique au Sénégal, mais elle pose aussi des défis environnementaux et sanitaires. La production de déchets est multipliée par trois pendant la fête, notamment à cause des carcasses et des restes de moutons qui sont jetés dans la nature ou dans les canaux à ciel ouvert. Cela crée des problèmes d’odeur, d’hygiène et d’assainissement. La Société Nationale de Gestion des Déchets (SONAGED) a mis en place un dispositif spécial pour collecter et évacuer ces déchets vers la décharge de Mbeubeuss, en banlieue de Dakar. Mais le tri et le recyclage restent encore insuffisants. 

La tabaski est donc une fête qui a un impact économique et social considérable au Sénégal. Elle reflète la foi et la solidarité des musulmans, mais aussi leur capacité à s’adapter aux contraintes financières et logistiques. Elle illustre également les opportunités et les défis du développement durable dans un pays en voie d’émergence. 

L’impact économique de la diaspora

L’apport de la Diaspora est vraiment essentiel lors de l’organisation des fêtes religieuses, que ce soit les fêtes musulmanes ou les fêtes chrétiennes. 

Les transferts d’argent effectués par la diaspora sénégalaise sont une source essentielle de soutien financier pour les familles et les communautés pendant les fêtes religieuses. Selon la Banque centrale de l’Afrique de l’ouest, les transferts de fonds en provenance de l’étranger ont atteint un record de 2,7 milliards de dollars en 2020. Une partie importante de ces fonds est destinée aux dépenses liées aux fêtes religieuses, telles que l’Aïd el-Fitr et la Tabaski. 

Les transferts d’argent de la diaspora ont un impact direct sur l’économie locale, en stimulant les dépenses des ménages pendant les fêtes religieuses. Les familles bénéficiaires utilisent ces fonds pour acheter des denrées alimentaires, des vêtements traditionnels, des cadeaux et des produits festifs. Selon les estimations, les dépenses des ménages pendant les fêtes religieuses au Sénégal ont augmenté de manière significative ces dernières années, principalement en raison des transferts d’argent de la diaspora. 

Pour illustrer l’ampleur des transferts d’argent de la diaspora sénégalaise pendant les fêtes religieuses, prenons l’exemple de la Tabaski. Selon la Banque mondiale, les transferts de fonds vers le Sénégal ont atteint près de 400 millions de dollars en 2020, avec une augmentation notable observée pendant la période précédant la Tabaski. Ces fonds sont utilisés pour financer les dépenses liées à l’achat de moutons, le principal symbole de cette fête, ainsi que d’autres dépenses festives. 

Les transferts d’argent de la diaspora ont un effet multiplicateur sur plusieurs secteurs économiques au Sénégal. Le secteur de la vente au détail, y compris les marchés locaux et les commerces de proximité, bénéficie de l’augmentation de la demande pendant les fêtes religieuses. Les commerçants voient leurs ventes augmenter, ce qui stimule également la production et l’approvisionnement des produits festifs.  

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