Mame Binta Diouf Diallo – Fondatrice TAHAMI
Bonjour, Mame Bineta. Pouvez-vous faire une brève présentation de qui vous êtes pour nos lecteurs ?
Bonjour ! Tout d’abord, je suis sénégalaise, mais quand je dis sénégalaise, cela signifie une vraie de vraie du Nord Sud : ma mère est d’origine saint-louisienne et mon père est d’origine casamançaise, je suis en fait brassée par ces deux cultures et de plus je suis née à Louga où on a toujours habité. Ayant fait une partie de mes études également à Dakar, j’ai donc eu la chance déjà très petite d’être confrontée à tous ces environnements culturels très riches et différents. Je pense que tout cela m’a aidé à avoir cette ouverture qui me permet aujourd’hui de comprendre certaines choses « de la vie », d’accepter les différences et d’essayer de mieux les comprendre. Je me considère comme ce que j’appelle une « métisse sénégalaise ». A côté de cela, je suis une femme, mariée et une maman, qui essaie d’allier au mieux, sa vie de famille et sa vie professionnelle.
Aussi, je peux ajouter que je suis curieuse et j’adore tout ce qui est échange, tout ce qui est thème de discussions. Je suis une curieuse de l’humain, de son développement et de ses interactions… J’adore la positivité et l’empathie que je cultive quotidiennement. Tout ceci, m’a donc poussé à créer Tahami. Et depuis lors, j’ai été très en contact avec beaucoup de personnes. J’ai pu ainsi voir que les gens avaient beaucoup de problématiques et ils avaient un besoin d’écoute, de connexion avec eux-mêmes et très souvent d’accompagnement. Ceci m’a aussi amené à me former en coaching professionnel. Aujourd’hui, je suis fière d’avoir reçu la formation de l’EMCC (Conseil Européen de Coaching et de Mentoring) et je suis en train d’aller vers la certification. A part cela, je suis diplômée de Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université Paul Valérie de Montpellier. Juste après mes études, j’ai rejoint le Sénégal et depuis lors j’ai eu un parcours dans tout ce qui est compétitivité du secteur privé, accompagnement de politique de développement et d’encadrement des Petites et Moyennes Entreprises. J’ai travaillé pour une structure étatique au départ et actuellement je travaille à la coopération allemande au développement depuis plus de 15 années avec aujourd’hui un poste de cadre de direction.
Et donc, qu’est-ce que vous faites exactement au niveau de la GIZ ?
Au niveau de la GIZ, je suis Directrice Adjointe et responsable du volet Entrepreneuriat et Incubation du Programme Réussir au Sénégal. En même temps je suis coordonnatrice nationale d’un programme Régional dans le secteur des Industries Culturelles et créatives. En cette qualité, je suis chargée de coordonner les initiatives mises en œuvre dans nos équipes présentes dans les différentes antennes régionales et d’assurer le management des différentes équipes. Aussi, je contribue à l’’orientation stratégique des thématiques concernées.
Maintenant, en tant qu’actrice qui arrive à avoir une vision 360° de notre structure macroéconomique, quelle perception avez-vous de celle-ci ?
De manière globale, on peut faire le constat qu’il y a énormément d’opportunités et de potentialités au Sénégal maintenant il faudrait une adéquation de la formation, des initiatives par rapport à l’offre qui existe réellement sur le marché. Il faudrait également de plus en plus une initiation à l’Entreprenariat et une orientation vers celui-ci pour nos jeunes parce qu’aujourd’hui le secteur public ne peut pas absorber toute la demande d’emploi. La perspective doit consister à voir les possibilités existantes dans toutes ces structures d’accompagnement et voir comment mieux orienter les jeunes pour qu’eux-mêmes puissent créer leur propre emploi et générer des revenus. Aussi il est nécessaire que l’Etat veille à affiner au mieux sa politique au niveau macro et veiller à ce que tous les acteurs s’y alignent en toute synergie parce que c’est seulement ainsi qu’on peut espérer avoir un cadre bien propice à la création de nouvelles entreprises. Je reste convaincue que l’Entrepreunariat est le devenir de l’Afrique et donc du Sénégal ainsi, il faudrait de plus en plus l’encadrer. On a aujourd’hui un système qui est mis en place avec beaucoup de structures dans l’écosystème entrepreneurial qui existent et il faudrait arriver à trouver les bonnes synergies. Parce qu’il y a beaucoup de structures qui existent et il faudrait essayer d’aller vers la complémentarité pour éviter les doublons et éviter de tomber dans la concurrence car au bout du compte ce qui est important c’est que nos jeunes sénégalais puissent trouver de l’emploi.
Et est-ce que vous pensez qu’il y a une communication adéquate et que les jeunes sont au courant de tous ces programmes qui existent ?
C’est une grande difficulté, il y a beaucoup d’efforts qui sont en train d’être faits. Par exemple, je suis dans la coopération au développement et je sais qu’on fait beaucoup d’efforts pour que l’information puisse parvenir aux jeunes. Il faut bien voir où se situent géographiquement ces jeunes, quels sont les canaux de communication dont ils disposent et ainsi identifier les meilleurs moyens pour les atteindre. Nous ne devons pas laisser en rade les jeunes qui sont dans les villages, dans les zones les plus éloignés , qui n’ont souvent pas accès à Internet bien que le Sénégal soit bien nanti en termes de couverture Internet aujourd’hui. Nous, on a un format qu’on utilise à « Réussir au Sénégal », c’est une tournée qui s’appelle la tournée « Mën Na Nekk » où on se déplace sur toute l’étendue du territoire sénégalais et on essaie de faire en sorte d’avoir des dialogues avec les jeunes sur les opportunités mais aussi d’y associer les structures partenaires qui sont les structures étatiques de formation professionnelle, les entreprises présents dans la localité pour faire en sorte qu’il y ait un échange de proximité avec les jeunes. Donc je crois qu’aujourd’hui, c’est un grand défi et il y a pas mal d’initiatives qui
existent. Je crois donc que toutes les structures devraient de plus en plus miser sur une communication efficace et efficiente qui pourrait aller directement vers nos cibles.
D’après vous, les structures d’accompa- gnement devraient plus se concentrer sur les nouveaux entrepreneurs ou sur une politique de renforcement des entreprises existantes pour en faire des champions si l’on sait que lorsqu’il y a une grande entreprise qui est un champion régional il y a beaucoup de PME qui pourront graviter autour de celle-ci ?
Je ne dirai pas qu’il y a une meilleure stratégie que l’autre mais qu’il faudrait une stratégie ciblée : c’est à dire qu’aujourd’hui, il y a des champions qui existent et il y a des entreprises qui ont un potentiel. Il faudrait avoir une politique adaptée pour chacune d’elles, il faudrait voir quels sont les besoins spécifiques et comment les positionner sur le marché national, régional, et même parfois international. Il ne faudrait pas occulter les primo-entrepreneurs parce qu’il y a pas mal de jeunes qui sortent des systèmes de formation classiques et qui commencent l’entreprenariat très tôt et pour cette cible, il est important de pouvoir adresser une politique et des initiatives adaptées. Ce qui est intéressant avec les primo-entrepreneurs, c’est de pouvoir les aider à se développer, à se structurer et à se formaliser, les mettre en lien avec des entreprises championnes qui existent déjà ; cela permet aussi à ces derniers de pouvoir gagner en valeur et donc l’idée c’est de voir comment collaborer, comment trouver des partenariats gagnants-gagnants entre les différents types d’entreprises. Et tout ceci doit passer par la communication et la sensibilisation. Parce que parfois, ce n’est pas qu’on ne sait pas faire mais c’est qu’on n’imagine pas toutes les options qui sont possibles. Et si on connait tous les types de partenariats qui peuvent être possibles, ça facilite.
Je pense que les entreprises championnes devraient de plus en plus être renforcées, valorisées, vulgarisées parce qu’elles ont eu des parcours incroyables et en majorité très inspirantes et instructives. Elles ont pu se positionner sur les marchés, elles ont su donner une valeur à l’entreprenariat. Ainsi, ce sont elle-mêmes qui doivent servir de modèles aux jeunes entrepreneurs.
Et donc parle nous de Tahami, c’est quoi exactement Tahami ?
Tahami, je l’ai mis en place l’année dernière après avoir eu une expérience professionnelle de plus d’une quinzaine d’années.
En tant que femme, en tant que sénégalaise et avec ma formation de base en Sciences sociales notamment en médiation culturelle et en communication, je n’ai jamais arrêté de m’intéresser à ma société, de la manière dont elle fonctionnait, parce j’ai toujours été très curieuse et intéressée par les relations humaines et les interactions dans nos communautés. En ce moment, j’avais constaté qu’il y avait beaucoup de négativité ambiante, de violence au niveau des réseaux sociaux, entre les êtres humains, dans les échanges quotidiens et pour moi Tahami c’était une manière de faire quelque chose qui puisse recentrer les gens sur la positivité et l’empathie. C’était au mois de décembre 2021, j’avais pris mes congés et donc j’ai commencé à écrire, à élaborer et à un moment je me suis dit voilà, je vais mettre en place un réseau où je vais faire des Lives, des interventions et des rencontres thématiques et où je permettrai à des amis d’abord, des connaissances et à toute personne intéressée et partageant nos valeurs de venir discuter sur certaines thématiques. Ces thématiques toucheront le développement personnel, nos valeurs fondamentales mais également des sujets pertinents pour notre développement personnel.
Après, j’ai vu que les réseaux sociaux étaient très utilisés, je ne connaissais même pas comment utiliser instagram; pour me lancer j’ai fait l’appel à un professionnel pour qu’il puisse m’aider à ouvrir une page Instagram, à faire mon premier Live et à me lancer… Dès que j’ai commencé, j’ai vu qu’il y avait énormément de sénégalais que ça intéressait mais qui ne trouvaient pas l’espace donc c’est ce qui fait qu’au démarrage, j’ai eu chaque semaine des demandes de Live. Par exemple, ça fait un an qu’on existe et mashallah je ne peux pas rester un mois durant lequel je n’ai pas au moins une demande de personne qui veut s’exprimer sur certaines problématiques et avec qui je fais des Lives. Après je me suis aventurée à faire des découvertes car, il y a pas mal de personnes qui font des choses intéressantes dans la vie, donc mon objectif était de leur donner l’espace pour mettre en évidence ce qu’ils sont en train de faire pour inspirer d’autres… La plupart du temps ceux qui sont mis en avant ne sont pas forcément les meilleurs modèles et donc c’est un espace où des personnes lambda pouvaient venir partager ce qu’ils font, leur histoire, leur parcours etc. Au début de cette année, j’ai transformé cette découverte en émission : j’ai lancé une émission pilote avec la journaliste Sarah Cissé où je me mets à l’interviewer sur son parcours et aussi sur ses convictions par rapport à tout ce qui est estime de soi, confiance en soi parce que ce sont des problématiques de développement personnel qui sont intéressants pour le public. Et donc voilà, cette année j’ai lancé ce concept et j’aimerais bien pouvoir continuer à inviter des gens et on va en tirer des « Inspirations de vie ».
Autre chose, Tahami permet aussi de pouvoir créer un espace où les gens peuvent se confier. J’ai eu pas mal de personnes qui sont venues se confier, parler de leurs problématiques et je ne savais pas finalement quoi faire parce que moi-même je n’étais pas en mesure d’écouter, de répondre à toutes ces demandes mais je restais très sensible à tout cela, finalement ça m’a poussé à concrétiser un objectif que j’avais depuis plusieurs années en lien avec mon rôle de manager qui consistait à aller me faire former en coaching. Aujourd’hui c’est donc grâce à Tahami en partie que je suis devenue coach. Et donc, j’ai pu me développer en m’ouvrant aux autres, disposer de nouveaux outils pour pouvoir mieux accompagner les personnes qui en ont besoin.
Et donc vous êtes coach en quoi ? En développement personnel ?
Oui, en Développement personnel et professionnel, nous sommes des spécialistes de l’accompagnement pour la transformation et l’atteinte des objectifs fixés en permettant à nos coachés d’être conscients qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs en utilisant leurs propres ressources. L’approche du Conseil Européen de Coaching et de Mentoring est basé sur le questionnement, le non jugement, l’empathie, la confidentialité entre autres et l’idée est d’accompagner la personne pour qu’elle aille tirer ses propres ressources pour résoudre ses problèmes. Donc on questionne, on accompagne la personne à formuler ses objectifs, on n’est pas des thérapeutes aussi car le coaching a ses limites… Personnellement, j’accompagne des profils très différents mais je suis très sensible aux problématiques liées aux Femmes et à celles liées au management surtout le management des femmes cadres dirigeantes.
Quelle est la signification de Tahami ?
C’est le nom de mes enfants que j’ai contracté. Parce qu’ils avaient mis en place un espace pour leurs jeux dans mon téléphone qu’ils avaient nommé Tahami. Et d’ailleurs c’est souvent source de conflit à la maison, car j’entends souvent : « Nous, on a créé Tahami et toi tu l’utilises pour parler… » . En effet c’est eux qui ont créé le nom et je l’ai repris.
Et donc, à part les Lives, il y a d’autres activités au niveau de Tahami, comme des rencontres ou autres ?
Oui! Il y a aussi des rencontres, des interventions, du coaching qui s’y rajoute cette année. En fait, je suis invitée à pas mal de panels de discussion, de sensibilisation sur la santé mentale, de confiance en soi, sur le développement personnel et aussi et surtout sur la motivation des femmes. Pour le mois de Mars, j’ai eu à participer à des activités ayant impacté plus de 600 femmes environ. J’ai pu animer la journée du 8 mars à la Société Générale avec la thématique Embrace Equity, j’ai animé les discussions, les échanges pour sensibiliser sur l’estime de soi pour un développement au niveau professionnel et l’atteinte des résultats en équipe parce que cela va de soi que si on s’estime mieux, on arrive à mieux estimer son entourage et dans le milieu professionnel ça aide pour mieux travailler ensemble. Je participe à pas mal d’activités, moi-même je faisais des afterworks l’année dernière, qui étaient très intéressants, on discutait sur des thèmes et je voudrai bien reprendre ça en 2023. Je fais aussi des activités de coaching, mais aussi des partenariats avec des professionnels qui souhaitent travailler avec moi sur certains aspects de sensibilisation, de motivation, de discussions. Parce que j’adore les groupes de discussions, donc j’en fais pas mal sur des thèmes avec des personnes parce que tout ce que je cherche avec Tahami c’est l’épanouissement de l’humain. Dans tout ce que je fais, la foi est fondamentale parce que je considère qu’on ne peut rien faire sans foi. En effet, je suis musulmane et ça joue beaucoup sur tout ce que je fais. Je remarque aussi que la croyance en Dieu est aussi fondamentale dans cette activité de Coaching car quand tu coaches des personnes, elles veulent souvent que tu leur dises des solutions alors que fondamentalement je pense qu’on ne s’occupe que du Process mais que la finalité revient au Divin. C’est quelque chose qui me guide et qui me motive et me donne de l’énergie. Cele veut dire qu’on n’a pas de pouvoir sur quoi que ce soit on essaie juste de faire ce qu’on peut et doit faire dans le process en cohérence avec nos valeurs.
Et le mot de la fin ?
Tout d’abord, merci! Merci de vous intéresser à moi et à ce que je suis en train de faire. Parce que c’est très motivant de faire des choses et qu’au bout du compte que son environnement s’y intéresse; que des personnes t’appellent pour que tu puisses en parler, ça motive beaucoup. Et je voudrais dire à toutes les personnes qui vont lire, que c’est toujours possible. En effet, dans cette vie tout est possible, il faut y croire, il faut persévérer au jour le jour, parfois on tombe et il faut se relever, on doit toujours nous relever, avoir la foi et au bout du compte les résultats arrivent. En ce qui concerne l’entrepreneuriat, j’y crois ainsi qu’aux jeunes entrepreneurs, je voudrai leur transmettre le même message : il faut continuer à persévérer, apprendre à vous écouter, à vous respecter, à respecter les autres mais surtout il faudrait vous former davantage. Car c’est important de se former parce que plus on a de la compétence et des outils adéquats, plus on arrive à croire en soi et aller jusqu’au bout de ses objectifs. Donc continuons à nous former, à apprendre mutuellement les uns des autres, à aller de l’avant, à cultiver l’empathie, la positivité, le travail bien fait, le courage ainsi qu’en restant alignés à nos valeurs fondamentales.
Je voudrai terminer par dire que j’aime le Sénégal, j’aime mon Pays, je trouve beau ce pays , notre culture, nos valeurs fondamentales, notre population. Continuons à garder ce lien qui fait notre authenticité.